jeudi 14 février 2013

Français, joual et québécois, mes amours

Le texte qui suit est un commentaire que j'ai émis sur un article du Monde qui parlait des dernières élucubrations du gouvernement du Québec pour "protéger le français." Mouarf.

Hop, le lien ici.
"Pourquoi suis-je enclin à pouffer ? Ce qui me fait hurler de rire dans ce genre de débat qui porte sur les questions linguistiques, c’est qu’on gratte à peine la surface alors que ces questions sont bien plus complexes que ce qu’on voudrait croire. La réflexion qui suit n’arrive même pas à apporter un semblant de solution. C’est un imbroglio !
Je suis traducteur au Québec, arrivé de France, et je n’ai presque jamais eu d’affrontement sur la langue ou de dispute à ce sujet . Pourquoi ? Parce que les fameux « trolls » qui aiment se battre là-dessus se font vite désarçonner quand on leur parle de différence entre un calque, un anglicisme et un emprunt lexical. Au moins, ça c’est fait.
Le québécois est une langue à part entière qu’il est nécessaire de valoriser car elle a été longuement méprisée par la majorité de la francophonie (les métropolitains, donc). Quand la France a écrasé ses patois et dialectes d’une main de fer dans les écoles pour unifier la langue et par là même nos régions, bien des gens en ont souffert. C’est cette dynamique qui nous pousse, nous, français de France, à vouloir écraser les dialectes autres que celui de l’Académie. Le jugement que vous portez sur ces langues secondes, vous l’avez hérité de vos ancêtres à qui on a bourré le crâne d’affirmations, comme quoi le seul « vrai français », c’était celui de l’école.
Le québécois est une langue dont les origines sont indéniables, mais surtout qui doit se tirer d’un bourbier dans lequel elle s’enfonce pour plusieurs raisons. Car on confond originalité linguistique et mauvais apprentissage de la langue. L’Office de la Langue Française ne fait plus son travail depuis très longtemps.
Le québécois a l’audace et même le courage de traduire certains mots que le français métropolitain se contente d’emprunter à l’anglais (la propension à inclure des mots anglais dans ces deux langues est quasiment la même, soit dit en passant). C’est un beau geste. N’oublions pas que les comportements diffèrent car nous n’avons pas le même ressenti vis à vis des autres langues. Les 8 millions de québécois vivent à côté de 300 millions d’américains. Il est naturel qu’ils se sentent menacés (d’un point de vue linguistique). Le français métropolitain se contente de faire des emprunts car d’une, nous avons un niveau d’anglais minable (n’allez pas crier au loup, c’est une vérité qui me blesse tout autant que vous), et de deux, nous ne voyons pas les langues étrangères comme une menace (égocentrisme linguistique).
À côté de cela, le niveau d’orthographe au Québec est catastrophique, car l’apprentissage de la langue se fait mal. On pointe du doigt le symptôme, au lieu de pointer la cause. L’éducation des jeunes québécois est une catastrophe, les principaux acteurs de l’enseignement le clament depuis des années haut et fort. Au lieu de taper sur les gens qui ne savent pas lire et/ou écrire, mieux vaudrait commencer par aider leurs enfants à mieux le faire. C’est de ça dont l’Office devrait s’occuper (et à fortiori, le gouvernement du Québec, hein… mais il préfère taxer les étudiants de « pelleteux de nuages » (j’adore cette expression !)). Le Québec a besoin d'éducation, pas de répression.
Première proposition pour l’Office : proposer des traductions officielles de façon systématique et légiférer pour qu’elles soient appliquées dans le monde du commerce (ce qui entre en conflit avec la dynamique de l’usage, et des vecteurs de communication).
Deuxième proposition essentielle : distinguer la particularité linguistique de l’erreur (« sacrer » est un terme qui relève de la particularité linguistique, « sa va » est une erreur). C’est le boulot de l’Office, encore une fois. Les absents ont toujours tort…
Promouvoir le français, c’est le dynamiser, lui donner de la force, l’encourager par des concours (pensez donc aux dicos d’or, par exemple).
Pour finir, on place le français comme le garant d’une intégration réussie. Je pense que c’est une erreur monumentale. Commençons donc par établir des bases solides au lieu de vouloir enseigner des choses bancales aux nouveaux arrivants. Les francophones de France ne vont pas forcément relever le niveau de langue, ils vont juste influer sur le québécois qui perdra peut-être encore un peu de son essence. Je trouve cela regrettable. « En s’il vous plaît. » ;-)"
Gardez en tête qu'il s'agit d'une opinion personnelle. Moi, je m'intègre à mon propre rythme. D'autres vont plus vite, d'autres moins vite. L'essentiel, c'est de s'intégrer, au final...

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